Portrait de Pythagore, par Thévet (1504-1592)
Les Vers dorés
Traduction par Pierre-Charles Levesque.
Poètes Moralistes de la Grèce, Garnier Frères, 1892
[Morceaux choisis]
I
Révère les dieux immortels. C’est ton premier devoir.
Honore-les comme il est ordonné par la loi.
II
Respecte le serment. Vénère aussi les héros, dignes de tant d’admiration,
et les demeures terrestres ; rends-leur le culte qui leur est dû.
III
Respecte ton père et ta mère, et tes proches parents.
IV
Choisis pour ton ami l’homme que tu connais le plus vertueux.
Ne résiste point à la douceur de ses conseils, et suis ses utiles exemples.
V
Crains de te brouiller avec ton ami pour une faute légère.
VI
Si tu peux faire le bien, tu le dois : la puissance est ici voisine de la nécessité.
Tels sont les préceptes que tu dois suivre.
VII
Prends l’habitude de commander à la gourmandise, au sommeil, à la luxure, à la colère.
VIII
Ne fais rien de honteux en présence des autres ni dans le secret.
Que ta première loi soit de te respecter toi-même.
IX
Que l’équité préside à toutes tes actions, qu’elle accompagne toutes tes paroles.
X
Que la raison te conduise jusque dans les moindres choses.
XVI
Consulte-toi bien avant d’agir ; crains, par trop de précipitation, d’avoir à rougir de ta folie. Dire et faire des sottises est le partage d’un sot.
XVII
Ne commence rien dont tu puisses te repentir dans la suite.
Garde-toi d’entreprendre ce que tu ne sais pas faire,
et commence par t’instruire de ce que tu dois savoir.
C’est ainsi que tu mèneras une vie délicieuse.
XVIII
Ne néglige pas ta santé : donne à ton corps, mais avec modération, le boire, le manger, l’exercice. La mesure que je te prescris est celle que tu ne saurais passer sans te nuire.
XIX
Que ta table soit saine, que le luxe en soit banni.
XX
Évite de rien faire qui puisse t’attirer l’envie.
XXI
Ne cherche point à briller par des dépenses déplacées, comme si tu ignorais ce qui est convenable et beau. Ne te pique pas non plus d’une épargne excessive. Rien n’est préférable à la juste mesure qu’il faut observer en toutes choses.
XXII
N’entame point un projet qui doive tourner contre toi-même :
réfléchis avant d’entreprendre.
XXIII
N’abandonne pas tes yeux aux douceurs du sommeil avant d’avoir examiné par trois fois les actions de ta journée. Quelle faute ai-je commise ? Qu’ai-je fait ? À quel devoir ai-je manqué ? Commence par la première de tes actions, et parcours ainsi toutes les autres.
Reproche-toi ce que tu as fait de mal ; jouis de ce que tu as fait de bien.
XXIV
Médite sur les préceptes que je viens de te donner, travaille à les mettre en pratique, apprends à les aimer. Ils te conduiront sur les traces de la divine vertu ; j’en jure par celui qui a transmis dans nos âmes le sacré quaternaire, source de la nature éternelle.
XXVI
Tu connaîtras que les hommes sont eux-mêmes les artisans de leurs malheurs. Infortunés ! ils ne savent pas voir les biens qui sont sous leurs yeux ! leurs oreilles se ferment à la vérité qui leur parle. Combien peu connaissent les vrais remèdes de leurs maux ! C’est donc ainsi que la destinée blesse l’entendement des humains ! Semblables à des cylindres fragiles, ils roulent çà et là, se heurtant sans cesse, et se brisant les uns contre les autres.
XXIX
Mortel, prends une juste confiance ; c’est des dieux mêmes que les humains tirent leur origine. La sainte nature leur découvre tous ses secrets les plus cachés. Si elle daigne te les communiquer, il ne te sera pas difficile de remplir mes préceptes. Cherche des remèdes aux maux que tu endures : ton âme recouvrera bientôt la santé.
XXXI
Ainsi, quand tu auras quitté les dépouilles mortelles, tu monteras dans l’air libre ; tu deviendras un dieu immortel et la mort n’aura plus d’empire sur toi.