Poème du jour : "Le cimetière des poètes", Gérard d'Houville (Marie de Régnier)
Dernière mise à jour : 22 sept.
"Ils sont tous là, sages ou fous, Amants des mots et des images, Ils sont tous là, les fous, les sages, Les poètes ardents et doux."
Marie de Régnier
Le Cimetière des Poètes
Gérard d'Houville (Marie de Régnier), Les Poésies de Gérard d'Houville, 1930
Dans Brousse la Sainte, parmi
L’orge d’argent et ses aigrettes,
Le cimetière des poètes
Par ses pavots semble endormi.
Sous leurs pierres enturbannées
Sont à jamais silencieux
Les poètes jeunes ou vieux
Morts pleins de force ou lourds d’années.
Ceux qui célébrèrent la mort
Et ceux qui chantèrent la vie
Ont tous la main sèche et roidie
Quand leurs strophes vivent encor,
Car, ayant déployé leurs ailes
Hors des plumes ou des pinceaux,
Elles planent sur les tombeaux
Mieux que les noires hirondelles.
Ils sont tous là, sages ou fous,
Amants des mots et des images,
Ils sont tous là, les fous, les sages,
Les poètes ardents et doux.
Ils sont là, les dormeurs moroses, Qui toujours furent paresseux, Mais qui, vivants, fermaient les yeux Pour mieux sentir l’odeur des roses. Ils sont là sans leur narghilé, Sans café qui passe à la ronde… Le grand oubli, maître du monde, Leur a pris le désir ailé. Ils n’ont ni rêves, ni chimères, Regrets ou remords superflus, Ils ignorent qu’ils ne sont plus Même des êtres éphémères. Et ce bienfait tant souhaité, Ce silence enfin, ce silence Où lourd et sombre se balance Un pavot pourpre et velouté, Ce silence sans intermède Qui pour leurs ombres et leurs os Déroule un tapis de repos, Aucun ne sait qu’il le possède. … Mais toujours, un souffle immortel Anime les pierres disjointes, Et les cyprès, taillés en pointes, Écrivent des vers sur le ciel.
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