Poème du jour : "Ferveur", par André Suarès

Ferveur
André Suarès, Poèmes de la brume, Lieder de Bretagne 1899-1900 (Éditions Conférence, 2025)
Dans sa douleur d'enfant, sur les genoux ployée,
Vers Dieu va tout le cœur de cette pure amante
A l'ombre de la nef, où l'écho se lamente
De la mer en fureur, tempête déployée.
Elle n'est qu'un élan d'innocence fervente.
Elle n'a point de mots ; mais son âme broyée
Par la peur du péril, dans les larmes noyée,
N'est qu'un regard d'amour : "Voyez votre servante,
Disent ces tendres pleurs ; prenez-la, si ce soir,
Il faut une victime à l'autel de l'orage..."
Le vent hurle à la mort. Et l'ouragan fait rage.
Comme elle joint les mains, et les tend à l'espoir,
Éteignant la lumière, en l'Église s'engouffre
Le grand souffle du large et l'haleine du gouffre.