Poème du jour : "Ceux qui cherchent leur âme", Charles Guérin
Dernière mise à jour : 22 sept.
"Songe des nuits, lourd de parfums et de rumeurs, Heure infinie et calme où l'âme se recueille"
Alexandre Séon, L'étoile, 1886
Ceux qui cherchent leur âme
Charles Guérin, Le Sang des Crépuscules, 1895
Souffle d'amour profond dont palpitent les feuilles,
Souffle d'amour plus fort que toutes nos douleurs,
Songe des nuits, lourd de parfums et de rumeurs,
Heure infinie et calme où l'âme se recueille ;
Toi qui troubles le cœur paisible des jardins,
Épargne les enfants graves qui se souviennent
D'une bouche effleurée ou d'une peine ancienne,
Et pleurent au chevet de leurs rêves éteints.
Puisque tu sais leur ignorance et leur faiblesse,
Sois celui qui pardonne et daigne avoir pitié ;
Que ta voix de leur route écarte le Passé,
Ce pauvre, qui les obsède avec sa tristesse.
Assoupis sur les bancs où neigent les tilleuls,
Ils écoutent le sphinx qui veille au seuil des livres ;
Eux, qui n'ont pas vécu, se refusent à vivre,
Et ce sont des enfants et ce sont des aïeuls.
Ils ont jeté la bêche et filent la quenouille,
Ils souffrent de la joie et blasphèment l'été,
Et dans leur lourde et vile angoisse ils ont gardé
La foi qui les torture et qui les agenouille. —
Un sanglot monte du silence des jardins,
L'ombre du soir descend sur l'œuvre inachevée,
Et la nuit implacable et bestiale étreint
Les choses en langueur et dont nulle ne plaint
Ceux qui cherchent leur âme et ne l'ont pas trouvée.
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