Poème du jour : "L'Offrande", Gabriel Mourey
"C'est l'offrande du jour qui meurt Aux dieux de la nuit qui va naître. Je vois luire, à travers cette neige de fleurs Que butine un essaim d'innombrables abeilles, Le blanc profil d'un temple sur la mer."
Gabriel Mourey
Photo de droite : Collection personnelle
L'Offrande
Gabriel Mourey, Le Miroir, 1908
Comme le soir est doux, ce soir, tout or et rose
On dirait sous le dôme d'or du ciel
Un effeuillement de roses roses,
Parmi des rayons de miel.
C'est l'offrande du jour qui meurt
Aux dieux de la nuit qui va naître.
Je vois luire, à travers cette neige de fleurs
Que butine un essaim d'innombrables abeilles,
Le blanc profil d'un temple sur la mer.
Dieux, que le soir, ce soir, est doux ! Je sens mon coeur
Se fondre et je voudrais me mettre,
Comme autrefois sous le pardon du prêtre,
A genoux...
Ô ces flocons de fleurs qui tombent sur ma tête,
Sur mes mains, sur mes yeux, sur ma bouche de fièvre...
Dieux, comme le pardon du soir, ce soir, est doux !
Reposez-vous, mes mains, votre journée est faite ;
Vous pouvez vous fermer, mes yeux, et vous, mes lèvres,
Vous taire ; assez d'envie, assez d'orgueil,
Assez de mensonges et de convoitises,
Et de ces espoirs faux que le désir attise...
Je serai pur, ô Nuit, pour approcher ton seuil.
Ô silence, parfums, derniers baisers
Du soir qui meurt sous la voûte embrasée,
Ô roses qui neigez au marbre des frontons,
Ailes d'or dont le vol met autour de mon front
Le souffle chaud de mille bouches qui se donnent...
En moi si doucement je vous sens pénétrer,
Si doucement je vous sens m'envahir
D'un si profond, d'un si délicieux délire,
Que par mes mains, mes lèvres et mes yeux,
Mes narines et mes oreilles,
Je deviens ces flocons de fleurs et ces abeilles,
Et toute la splendeur vermeille
Eparse dans ce soir miraculeux...
Et je t'apporte, ô Nuit terrible et maternelle,
Et je viens déposer humblement à tes pieds
L'humble offrande de tous mes sens extasiés.
Collection personnelle
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