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Pier Paolo Pasolini, Poète

Dernière mise à jour : 8 mars 2021


"Février", de Pier Paolo Pasolini

(Lecture par Pierre Hancisse)

 

Extrait de : "Le Cose"

("Les choses", 1943-1947)


 Le miroir 
 
 Nu le miroir contemple 
  La solitude en lui-même, 
 Un ciel blanc et immense 
  Qui scintille dans le néant. 
 C'est le plafond. C'est l'ennui 
  De mon enfance. 
 Oui, là, sur l'argent lisse 
  Il y a la main très ancienne 
 D'Abel petit garçon. 
 
 
 Lo specchio

Nudo lo specchio garda 
 in sé la solitudine, 
un cielo bianco e immenso 
 che scintilla nel nulla. 
E il soffitto. E la noja 
 della mia fanciullezza. 
Si, li nel liscio argento 
 c'è la mano antichissima 
d'Abele fanciullino. 


Extrait de : "Poesie a Casarsa"

("Poésies à Casarsa")


 CHANT DES CLOCHES

Quand le soir se perd aux fontaines
mon pays est couleur égarée.

Je suis au lointain, et me souviens ses grenouilles 
la lune et le triste tintillement des grillons.

Rosario joue, il s’essouffle dans les prés : 
moi je suis mort au chant des cloches.

Étranger, à mon doux vol de par la plaine, 
n’aie pas peur : je suis esprit d’amour 
qui au pays s’en revient de très loin.



 CIANT DA LI CIAMPANIS

Co la sera a si pièrt ta li fontanis 
il me pais al è colòur smarit.

Jo i soj lontàn, recuardi li so ranis, 
la luna, il trist tintinulà dai gris

A bat Rosari, pai pras al si scunis : 
jo i soj muàrt al ciant da li ciampanis.

Forèst, al me dois svualà par il plan, 
no ciapà pòura : jo i soj un spirt di amòur 
che al so pais al toma di lontàn.




Ô MOI JEUNESSE 

Ô moi jeunesse ! Je nais
dans l’odeur que la pluie
a soupiré des prés
d ’herbe vive... Je nais
dans le miroir des rigoles.

En ce miroir, Casarsa
- comme les prés de rosée -
tremble de temps anciens.
Ici-bas, je vis de piété,
lointain enfant pécheur,

en un rire inconsolé.
O moi jeunesse, le soir
serein teinte l’ombre
aux vieux murs : la lumière
dans le ciel, aveuglante.


O ME DONZEL

O me donzel ! Jo i nas
ta l’odòur che la ploja
a suspira tai pras
di erba viva... I nas
tal spieli da la roja.

In chel spieli Ciasarsa
- coma i pras di rosada -
di timp antic a trima.
Là sot, jo i vif di dòul,
lontàn frut peciadòur,

ta un ridi scunfuartàt.
O me donzel, serena
la sera a tens la ombrena
tai vecius murs : tal sèil
la lus a imbarlumis.
 

Extraits de:


Pier Paolo Pasolini, une vitalité désespérée

(France Culture le 14.06.1990)



"Une vitalité désespérée"



"Pauvre merveilleuse cité"


 

"Homme inclassable, Pier Paolo Pasolini a choisi la poésie comme voix première. Réunissant des poèmes inédits en français, cette anthologie se veut le reflet vibrant de son inspiration de jeunesse, toujours ample et touchée par la grâce. Sensualité des paysages frioulans et engagement politique s'entrelacent, chant de l'intime et poésie de l'engagement s'enchevêtrent. Habité par la révolte et par le sens du sacré, il lutte contre l'hypocrisie et donne à ses visions toute leur dimension mystique."



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