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Mallarmé: Prose pour des Esseintes (dit par Jean Marchat)

Dernière mise à jour : 22 févr. 2021



Stéphane Mallarmé

Prose pour des Esseintes

dit par Jean Marchat






Analyse du poème par Albert Thibaudet :



"Stance III. — (Nous fûmes deux, je le maintiens).


Pour qui, déchu du rêve, exilé d’aujourd’hui, le Poète écrit-il ? Pour tous ? Non. Pour quelques hommes ? Pas même. Pour lui seul alors ? N exagérons pas ; écrire c’est exister pour autrui. Un lecteur suffit au poète, et, mieux qu’un lecteur, une lectrice : c’est assez qu’il soit intelligible pour l’aimée.


« Toutes les femmes, dit Mallarmé dans le numéro 1 de la Dernière Mode, aiment les vers autant que les parfums et les bijoux ou encore les personnages d’un récit à l’égal d’elles-mêmes. Leur plaire donc véritablement ou mériter cela : je ne sais pas d’ambition, changée en triomphe si l’on réussit, qui aille mieux à un ouvrage en prose ou en vers. On va répétant, non sans vérité, qu’il n’y a plus de lecteurs : je crois bien, ce sont des lectrices. Seule une dame, dans son isolement de la Politique et des soins moroses, a le loisir nécessaire pour que s’en dégage, sa toilette achevée, un besoin de se parer aussi l’âme. .. »



Source:






PROSE (pour des Esseintes.)

Hyperbole ! de ma mémoire Triomphalement ne sais-tu Te lever aujourd’hui grimoire Dans un livre de fer vêtu :

Car j’installe, par la science, L’hymne des cœurs spirituels En l’œuvre de ma patience, Atlas, herbiers et rituels. Nous promenions notre visage (Nous fûmes deux, je le maintiens) Sur maint charme de paysage, O sœur, y comparant les tiens. L’ère d’autorité se trouble Lorsque, sans nul motif, on dit De ce midi que notre double Inconscience approfondit Que, sol des cent iris, son site, Ils savent s’il a bien été, Ne porte pas de nom que cite L’or de la trompette d’été. Oui, dans une île que l’air charge De vue et non de visions, Toute fleur s’étalait plus large Sans que nous en devisions. Telles, immenses, que chacune Ordinairement se para D’un lucide contour, lacune, Qui des jardins les sépara. Gloire du long désir, Idées ! Tout en moi s’exaltait de voir La famille des iridées Surgir à ce nouveau devoir. Mais cette sœur sensée et tendre Ne porta son regard plus loin Que sourire, et comme à l’entendre J’occupe mon antique soin. Oh ! sache l’Esprit de litige, A cette heure où nous nous taisons,

Que de lis multiples la tige Grandissait trop pour nos raisons. Et non comme pleure la rive Quand son jeu monotone ment A vouloir que l’ampleur arrive Parmi mon jeune étonnement D’ouïr tout le ciel et la carte Sans fin attestés sur mes pas, Par ce flot même qui s’écarte, Que ce pays n’exista pas. L’enfant abdique son extase Et docte déjà, par chemins, Elle dit le mot : Anastase ! Né pour d’éternels parchemins. Avant qu’un sépulcre ne rie Sous aucun climat, son aïeul, De porter ce nom : Pulchérie ! Caché par le trop grand glaïeul.



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