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Marcel Droüet, « velut umbra »


"... L'ombre ! Cette statue en son marbre éclairé Projette une ombre longue et qui s'effile à terre, Contraste douloureux dont l'antithèse amère Évoque une grimace en réponse au baiser Et un double visage au destin solitaire."

Marcel Droüet, "Prélude", L'Ombre qui tourne, 1912



Marcel Droüet, s.d.

Photographie provenant de l'ouvrage Le Tombeau de Marcel Droüet (Le Divan, 1923)


"La coupe de son visage était nette et d'un airain tolédan, son front brillant, pur et droit. Il avait les épaules larges, la taille dégagée, un corps d'athlète, un air délibéré et martial, une rare élégance naturelle, l'art de porter un vêtement, de manier une canne, l'allure et le chic d'un officier de cavalerie ou d'un jeune provincial, de bonne lignée, qui foule le pavé de Paris avec aisance. Si son physique révélait son courage, ses yeux, profondément enfoncés sous l'arcade sourcilière, agités d'un perpétuel frémissement, limpides, lumineux, tendres et vulnérables, trahissaient le coeur sensible d'un poète. Il tenait, paraît-il, ce regard incomparable de sa mère qui venait de Charleville, le pays de Verlaine."

Georges Ducrocq, Le Tombeau de Marcel Droüet, introduction.



"Ah ! le devoir est une belle chose : un sacrifice. Mon devoir est obscur, mais noble. La taupe et la termite sont-ils moins fêtés que le tigre ? Leur rôle est moins glorieux. Est-il moins utile ? Je crois que non, et pour m'ancrer dans cette idée, je n'ai qu'à me rappeler la devise affichée sur nos murs et dans nos bastions : S'ensevelir sous les ruines du fort plutôt que de se rendre." Tels sont les mots que Marcel Droüet (1888-1915) griffonna dans son Cahier rouge fin 1914, pour tromper l'ennui de ne pas se trouver encore en première ligne. Le style sec et précis de ces notes, prises sur le vif, tranche avec celui qui fut le sien deux ans avant la guerre, lorsqu'il composait les mélancoliques poèmes de son recueil L'Ombre qui tourne. Dès le 3 août de cette année fatidique, bien loin des calmes maisons, du silence endormi, de l'aube triomphante et des paroles d'amour (tendres images de ses poèmes), Marcel Droüet était parti avec ses compagnons pour un voyage sans retour. Pas tout à fait la fleur au fusil ; mais avec la certitude qu'il agissait pour la défense et l'honneur de son pays. Cela représentait, pour lui comme pour beaucoup de ses compagnons d'armes, une consolation suffisante, mais n'empêchait nullement de ressentir la crainte, la terreur, même, de la mort ; cette mort qui rôdait, cette mort qui, alors qu'elle n'était auparavant qu'une idée lointaine pour ces hommes qui n'avaient pas vingt ans, devenait désormais si présente, si familière. Marcel Droüet donna, dans son cahier, un récit poignant de ce face-à-face du 25 août 1914, alors que les affrontements à la baïonnette étaient encore fréquents en ce début de conflit : "On entend les relèves des sentinelles, les "halte-là" qui font sursauter la main au fusil et parfois dans le silence un appel, un râle, un cri déchirant. Ce sont des blessés qui sur le champ de bataille réclament du secours. L'un appelle "Maman, Maman !" et c'est désolant, ce cri puéril en cette heure. L'autre geint et pleure. C'est ce que j'ai trouvé de plus impressionnant dans cette journée inoubliable."

L'horreur des champs de bataille ne l'empêchait pas d'être touché par les tableaux les plus humbles, ainsi que le rapportent ses amis dans le recueil-hommage Le Tombeau de Marcel Droüet ; les maisons abandonnées par les habitants, par exemple, parfois saccagées par le passage de certains soldats moins scrupuleux que lui, l'émeuvent beaucoup. Sa sensibilité de poète, la délicatesse de son âme, ne se trouvaient jamais émoussées par la brutalité de ce dont il était chaque jour témoin. Il dormait les pieds "entortillés dans un rideau" pour ne pas risquer de salir le lit qui l'accueillait parfois pour une nuit, était inconsolable de la perte de ses amis. Le cahier dans lequel il consignait tout, ce "simple bloc-notes, grand comme la main, à couverture de carton rouge, froissé, éraillé, à peine lisible", fut dédié à Maurice Barrès, son maître, à qui Droüet écrit le 24 octobre 1914 : "Privé de l'affection de mes parents, séparé du reste de ma famille qui doit se trouver actuellement dans la zone occupée par l'ennemi, je me retourne vers ceux que j'aime, poussé par l'humain besoin de confidences. (...) Grâce à vous, je me bats pour la patrie avec plus de cœur encore que je n'en aurais eu. (...) Vive la France ! Vive l'Alsace-Lorraine reconquise !"



Le Cahier Rouge de Marcel Droüet

© BnF Gallica



Cet élan patriotique est notamment nourri des trois années qui précédèrent la guerre, et que Marcel Droüet passa comme secrétaire général des Marches de l'Est. Né à Sedan en 1888, il avait fait ses études (de droit) à Lille, puis était venu à Paris pour y débuter une carrière littéraire et journalistique. Il fut également rédacteur à la revue L'Indépendante, au Divan, et à la Revue Critique des Idées, mais son expérience aux Marches de l'Est devait particulièrement le marquer. Les collaborateurs de la revue, inquiets du "prochain anéantissement de la Gaule" (ce sont les mots de Georges Ducrocq) par les Germains, nourrissaient un fervent patriotisme. Ducrocq décrit, dans Le Tombeau de Marcel Droüet, le petit bureau de la rédaction du journal dans lequel le poète passait ses journées, bureau "orné de portraits militaires, de perspectives de Metz et de Strasbourg, de protestations de fidélité des députés alsaciens-lorrains à l'Assemblée de Bordeaux". "Pouvions-nous sans remords nous livrer aux douceurs de la vie littéraire quand l'État penchait vers sa ruine ?" se demande Ducrocq dans l'introduction du Tombeau. Marcel Droüet était bien de ceux qui n'auraient su rester indifférents à cette menace, et qui avaient très tôt compris quels allaient être leurs rôles à venir.

En 1912 pourtant, l'existence de Droüet se partageait encore entre son activité journalistique et ses rêves de poésie… Cette année vit la publication simultanée de ses deux seuls ouvrages : son recueil de vers L’Ombre qui tourne, et un volume de prose (poétique), Quelques feuillets du livre juvénile. Le Tombeau de Marcel Droüet : Le Cahier Rouge, L'Œuvre littéraire, Témoignages et Jugements, évoqué plus haut (sur lequel la présente note s'appuie d'ailleurs), fut, lui, publié en 1923, et contient le fameux carnet de route que l’écrivain tint pendant la guerre, ainsi qu'une petite sélection de poèmes publiés dans L'Ombre qui tourne et dans Le Divan, d'articles donnés pour des revues, d’extraits des Quelques feuillets du livre juvénile, et enfin de portraits de Droüet (deux photographies, ainsi que des hommages de ses amis, dont un bel hommage de Maurice Barrès).

Sans être particulièrement novatrice, la poésie de Marcel Droüet se distingue pourtant d’une poésie dite "de jeunesse" — traditionnelle, ou plus naïve —, par des choix de thèmes singuliers, des images évocatrices, une forme stylistique parfois originale, une profondeur et une lucidité particulières. L'ombre, l'ombre qui rôde, l'ombre qui tourne, c'est la mort, que Droüet pressent, mais c’est aussi peut-être le temps, qui balaie les sentiments, les passions, la plénitude des instants. L'ombre plane, toujours, au-dessus de ces vers, dans ces poèmes qui, évoquant simplement l'amour, les rencontres, les charmes d'une nature épanouie, deviennent simultanément menacés par le spectre de l'ineffable, de l'inquiétude, de l'incertitude, des illusions, du mystère. Le paisible soir troublé par "l'invisible présence des âmes mortes", le crépuscule "beau comme un amour qui meurt", la "mensongère aurore", la fontaine "mourante d'adieux" et le jardin "vide et défleuri" rappellent sans cesse le poète à un memento mori dont l'avenir allait confirmer l'importance et le caractère prophétique. "Le jour est vain, le temps est sourd" : les fantômes se pressent à la porte du poète, et bientôt sa propre ombre planera aussi, dans l’éther. Le 4 janvier 1915 (et non le 14, comme on peut lire sur le site du Mémorial 14-18 de la Ville de Paris), Marcel Droüet est tué dans le bois de Consenvoye devant Verdun, dans un abri de première ligne, par un obus qui le frappe à la tempe. 

Destin symbolique : prisonnière de l'ombre qui le hantait, l'œuvre de Marcel Droüet reste aujourd'hui largement oubliée. Les deux volumes de 1912 sont devenus introuvables, et seul le Cahier Rouge demeure disponible à la consultation sur Gallica, préservé dans le fonds Maurice Barrès. Georges Ducrocq avait pourtant souhaité que cet « immortel carnet de route », aujourd’hui enfoui dans les archives de la Bibliothèque Nationale, fût lu avec admiration à l’école par les générations futures, « comme les jeunes Romains lisaient Plutarque ». Puissent toutefois cette note et les poèmes proposés à la lecture sur Anthologia raviver la flamme du souvenir de Marcel Droüet, et rendre, ne serait-ce qu'en partie, l'hommage que mérite un si noble poète. 



Que les rives soient sombres ou ensoleillées, entre lesquelles glisse notre barque fleurie, le mystère lointain de l'horizon s'approche à chaque coup de rame du Temps. Ne cherchons pas à découvrir sa côte embrumée et son aspect incertain. Que nous importent son rocher ou les roses de sa plage ? Amusons-nous plutôt à jeter dans l'onde les cailloux qui parsèment le fond de notre embarcation ou à compter les larmes limpides gouttant de l'aviron, comme on s'intéresse au jeu de la clepsydre ou à la fuite du sablier. Et répétons-nous qu'entre chaque brassée, si une fleur est peut-être morte, elle survivra en une autre, aussi belle et aussi parfumée.


Quelques feuillets du livre juvénile (extrait).



L'Ombre qui tourne

Envoi de Marcel Droüet au poète Francis Eon

Collection personnelle



Marcel Droüet, s.d.

Photographie provenant de l'ouvrage Le Tombeau de Marcel Droüet (Le Divan, 1923)




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Choix de poèmes



Prélude

L'Ombre qui tourne, 1912


Puisque tu descendis lentement sur le perron,

Pour errer dans le parc avec ta nonchalance,

Voici la haute canne escortant ta cadence

Et, pour accompagner le jeu du mascaron,

La flûte dérobée aux lèvres du Silence.


Viens. Le verger est frais en ce matin fleuri ;

Nos pas seront les seuls à fouler l'avenue

Et dans mes doigts tremblants je presse ta main nue ;

Viens, puisque je te guide et que tu m'as souri,

Et ton sourire est comme l'aube survenue...


Sur la claire terrasse où le soleil craintif

Fait miroiter la vasque et danser la fontaine,

Viens respirer l'odeur des vendanges prochaines

Et deviner, à travers le rideau des ifs,

Le choeur des faunes roux et des nymphes lointaines.


Monte les escaliers de marbre et souris-moi...

Voici les fleurs d'aurore écloses dans les urnes ;

Quittons nos bandeaux noirs et nos robes nocturnes

Et faisons retentir au jeu vif de nos doigts

La flûte impatiente d'être taciturne.


Lumineuse sur la terrasse, haut dans le ciel,

La statue érigeant son impeccable ligne

A des reflets moirés ainsi qu'un col de cygne ;

Admirons-la, veux-tu ? Oh ! ces parfums de miel,

De roses et d'amour qui nous viennent des vignes...


Donne tes mains. Dansons en ployant le genou,

Portons à notre lèvre essoufflée et tremblante

Le roseau plus strident et la flûte plus lente,

Et sourions de voir bondir autour de nous

L'ombre noire de nos deux corps d'hiérophante.


... L'ombre ! Cette statue en son marbre éclairé

Projette une ombre longue et qui s'effile à terre,

Contraste douloureux dont l'antithèse amère

Evoque une grimace en réponse au baiser

Et un double visage au destin solitaire.


Elle tourne selon le soir ou le matin,

Car les astres divers soulignent et arrêtent

Le détail d'une face et l'angle d'une arête

Tandis que la statue à ses pieds incertains

La voit ramper inverse, accroupie et secrète.


L'ombre ! Comme elle est triste en son dessin tremblant !

Si beau que soit le front, si tendre soit la bouche,

L'ombre implacable mord dans sa course farouche

Le visage vermeil et les yeux éclatants,

Comme un poison subtil ronge tout ce qu'il touche.


Va, jetons notre flûte et cessons de chanter !

A toute joie il faut une larme en réponse,

La rose qui fleurit à côté de la ronce,

Et, dernier souvenir des matins enchantés,

Le silence du soir en la nuit qui s'annonce...


Ce crépuscule est beau comme un amour qui meurt ;

Ôte ton bandeau d'or et reprends tes longs voiles,

Voici trembler au loin les premières étoiles,

Et la nuit envahir la terrasse où les fleurs

Versent le mol encens dont la lune se voile.


Tais-toi ; ne parlons plus, tant nos coeurs sont meurtris !

Contentons-nous d'errer dans la nuit reposante

Où, seule, la statue en sa pose indolente

Mi-clarté, mi-noirceur, semble un grand lys fleuri

Parmi les orangers et les roses mourantes.


... Chante à mi-voix pour oublier ce que j'ai dit ;

Regarde-moi sourire alors que nos yeux pleurent,

Alors que pour vêtir les gestes qui nous leurrent

Se ramasse, décroît, s'allonge et s'agrandit

L'ombre au dessin changeant qui tourne avec les heures !




Indifférence

L'Ombre qui tourne, 1912


Que voulez-vous que cela m'importe

Une souffrance ou bien une autre ?

Celle-ci, celle-là, je suis tellement habitué...

Tenez, voici mon cœur percé

De tant de plaies...


Que voulez-vous que cela m'importe

Une douleur ou bien une autre ?

J'en ai tellement connu

Des joies faussées, des joies perdues

Et des amours blessés et nus

Et tant, tant d'illusions envolées,

Hélas ! tant d'espérances mortes !

Que voulez-vous que cela m'importe ?


Après tout,

Et les mots que j'ai écrits là

Et le parfum des doux lilas

Et mon cœur blessé que voilà

Avec ses plaies de toute sorte,

Et la vie même, qu'importe-t-elle ?

Il vaut bien mieux se taire et rester là

Et dormir longuement en respirant des roses,

En attendant, nous aussi, de mourir

N'importe comment,

Car, dites-moi, que nous importe

Une mort ou bien une autre ?



Nocturne

L'Ombre qui tourne, 1912


Ma chambre est tiède...

Le feu ronronne doucement, et j'ai clos

A la fenêtre turbulente les grands rideaux... Dans ma chambre rôde sans cesse,

Hautaine,

Et triste et vaine,

Ma Peine.

Elle est habillée de noir et ses yeux ont gardé

Le dur sillon des pleurs que la Mort a creusé.

Elle rôde çà et là, sans que s'entende

Son pas furtif et feutré de silence.

Parfois, elle va s'asseoir dans le grand fauteuil vide

En face de la cheminée ;

Là, elle regarde au miroir sévère de la Destinée

Ses rides...

Et, tandis que mon front se courbe

Sous l'abat-jour, tremblant d'un halo rose et or,


J'entends ma Peine

Chuchoter mystérieusement

Avec mon Rêve.


Ma lampe est rose ;

Ma chambre est tiède...


Et moi j'écris ;

Ce sont tous les poèmes qui chantent en mon coeur :

J'aime les bois, les sources et les futaies, les fleurs

Et les troupeaux dans les prairies,

Et la rivière calme et sinueuse

Comme une ceinture d'argent qui tremble...

J'aime le ciel infini, la mer immense

Et la montagne qui ondule

Les soirs d'été...

J'aime les vergers frais aux matins roses,

Et les lourds après-midi

De plein été,

Lorsqu'on voit se pâmer les campanules

Et les oeillets aux pétales veloutés ;

J'aime les nuits

De septembre, aux étoiles de douce prière

Où la lune miroite dans l'eau,

Où le vent chantonne

Aux roseaux

Qui pleurent ;

Tous les bruits meurent,

Plus de lumière...

— Ô toi, de toutes les Saisons

L'avant-dernière,

Ô pur et calme et tendre Automne

Au doux visage,

Aux lèvres bonnes

Et au front grave,

Tu te lèves entre les saisons,

Ô calme Automne,

Pour accueillir ma jeune offrande,

Pour rafraîchir mes yeux fiévreux...


Aux angles de ma chambre close,

Volent de là, volent de ci,

Mes rêves...

... Il a suffi

D'un abat-jour tranquille et rose,

D'un feu qui ronfle,

Il a suffi

Du vent qui dans la cheminée

Murmure et gronde,

Il a suffi

De, gais ou sombres,

Mes Souvenirs

Rentrant au nid ;

Il a suffi

D'évoquer en mon coeur l'autrefois,

De voir surgir

Le ciel, les fleurs, l'étang, les bois,


Pour qu'en ma chambre aux grands rideaux

Fermés et sombres,

Celle qui lente se promène

Triste et hautaine

Et voilée d'ombre,

Ma Peine,

En sa robe de velours noir

Regardant au tain du miroir

Les rides de son visage,

Au tic-tac vide et monotone

De l'horloge sourde et bavarde

S'endorme...

La nuit s'écoule à petit bruit,

Les Heures passent en cadence,

La chambre est tiède,

La lampe est rose,

Et dans le silence,

J'écris...



Rêverie

L'Ombre qui tourne, 1912


Le Soir glisse avec le Silence

Parmi l'étang glacé de lune,

Les rames plongent en cadence,

Le Soir glisse avec le Silence,

Les roses meurent, une à une...


La barque de songe est passée

Entre les cygnes endormis ;

Voici mortes les fleurs lassées,

La barque de songe passée

Et son sillage à l'infini.


Les rames s'égouttent dans l'eau

Et la barque flotte, immobile

Parmi la plainte des roseaux ;

Les rames s'égouttent dans l'eau

Où fuit la naïade subtile.


... Penchant leur double et frêle image

Au lac profond comme un miroir,

Voici, dans l'ombre du rivage,

Penchant leur double et frêle image,

Fleurir le Silence et le Soir.



L'énigme

L'Ombre qui tourne, 1912


Ce n'est pas le narcisse indolent qui se meurt

Au jeu des doigts experts en troublantes névroses

Qui rend la main plus pâle et les ongles plus roses,

Ni ton geste attirant, ô bras nu, plus charmeur...


Non plus la bouche étrange et perverse où s'appose

Le sceau de la morsure et du baiser vainqueur

Ne donne, en son sourire humide de langueur,

Plus de désir mourant aux paupières mi-closes.


Les cheveux court-bouclés d'androgyne, et le corps

Souple, maigre et lascif qui se cabre et se tord

Sous la lente caresse et dans l'étreinte nue,


Intriguent plus encor par leur vice malsain

Que la hanche d'éphèbe et l'énigme du sein

Où s'étiolerait une fleur ambiguë.



Inscription votive

L'Ombre qui tourne, 1912


Puisque mourut la torche à son poing hésitant,

Ô Destin qui le suis dans l'ombre où tu te glisses,

Daigne à sa jeune ardeur permettre qu'elle puisse

Cueillir en leur saison les fruits de son printemps.


Que pour lui désormais, Amour, ton nom farouche

Soit moins dur à son coeur, et ton arc moins méchant,

Afin de voir un jour le rythme de son chant

A celui d'un baiser se confondre en sa bouche.


Souvenirs qui passez en vos robes de deuil,

Déposez à ses pieds la cendre de vos urnes :

Voici brûler la lampe en vos jardins nocturnes

Et l'Espoir gravement l'attendre sur seuil ;


Ô Tristesse, à ses yeux voile ton ombre intime,

Et détournant enfin de ses pas ton courroux,

Fais sa gaîté moins âpre et son désir plus doux

Et sa voix plus égale au roseau qu'elle anime.


... Mais toi dont la cadence éveilla le matin,

Suis simplement ta loi humaine, sans prétendre

A ce bonheur trop vain, à ce laurier trop tendre,

Et dans le soir où meurt un soleil incertain,


Grave un nom sans histoire à la croix du chemin !

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