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Gustave Flaubert : Lettres d'enfance

Dernière mise à jour : 16 avr. 2023


Gustave Flaubert en 1830, à l’âge de neuf ans

d’après un dessin de Hyacinthe Langlois.






À ERNEST CHEVALIER.

Rouen, 31 décembre 1830


Cher ami,


Tu as raison de dire que le jour de l'an est bête. Mon ami on vient de renvoyer le brave des brave la Fayette aux cheveux blancs la liberté des mondes. Ami je t'en veirait de mes discours politique et constitutionnel libéraux. Tu as raison de dire que tu me feras plaisirs en venant à Rouen, sa m'en fera beaucoup. Je te souhaite une bonne année de 1831. embrasse de tout ton cœur ta bonne famille pour moi. Le camarade que tu mas envoyer a l'air d'un bon garçon quoique je ne l'ai vu qu'une fois.


Je t'enveirait aussi de mes comédie. Si tu veux nous associers pour écrire, moi j'écrirai des comédie et toi tu écriras tes rêves, et comme il y a une dame qui vient chez papa et qui nous contes toujours de bêtises je les écrirait. Je n'écris pas bien parce que j'ai une caisse à recevoir de Nogent.


Adieu répond moi le plutôt possible. Adieu bonne santé ton ami pour la vie.



*



À ERNEST CHEVALIER.

Rouen, II février I83I


Cher Ernest,


Je te prie de me répondre et me dire si tu veux nous associer pour écrire des histoire, je t'en prie dit-moi le, parce que si tu veux bien nous associer je t'enveirai des cahiers que j'ai commencé à écrire et je te prirai de me les renvoyer. Si tu veux écrire quelques chose dedans, tu me feras beaucoup de plaisirs.


Amand s'ennuie de ce que tu ne lui répond pas. Je te pris en toute grâce de me donner des nouvelle de ta bonne tante 2 et ainsi que ta respectueuse famille.


Répond moi le plus tôt possible.



*



A ERNEST CHEVALIER.

Rouen, 15 janvier1832


Mon cher ami,


Ton bon papa un peu mieux le remède que papa lui a donné l'a soulagé et nous espérons que bientôt il sera guéri. Je prends des notes sur Don Quichotte et M. Mignot dit qu'il sont très bien. On a fait imprimer mon éloge de Corneille je crois que c'est Amédée et je t'en envois une exemplaire.


Le billard est resté isolée, je ne joue plus la comédie, car tu n'y es pas, le dimanche que tu es parti m'a sembler dix fois plus long que les autres. J'ai oublier à te dire que je m'en vais commencé une pièce, qui aura pour titre L'amant avare, ce sera un amant avare, mais il ne veut pas faire de cadeaux à sa maîtresse et son ami l'attrape.


Fais bien des compliments de ma part à ta famille. Je te dirai la fin de ma pièce à une autre lettre que je t'écrirai engage tes parents à venir avec toi au carnaval. Travaille à ta géographie. Je commencerai aussi une histoire de Henri 4, de Louis 13 et de Louis 14. Il faut que je travaille.


Adieu mon meilleur ami jusqu'à la mort non de Dieu. Bonsoir.



*



À ERNEST CHEVALIER.

4 février 1832


Mon cher ami,


Je te réponds poste pour poste. Je t'avais dit que je ferais des pièces mais non je ferai des Romans que j'ai dans la tête qui sont la Belle Andalouse, le Bal masqué, Cardenio, Dorothée, la Mauresque, le Curieux impertinent, le Mari prudent.


J'ai rangé le Billard et les coulice. Il y a dans mes proverbes dramatiques plusieurs pièce que nous pouvons joué.


Ton bon papa est toujours de même. Vois-tu que j'avais raison de dire que la belle explication de la fameuse constipation et l'éloge de Corneille tourneraient à la postérité, c'est-à-dire au postérieur. Je n'oublie pas non plus l'intrépide Mayeux.


Tâche de me répondre aussi exactement que moi. Cela ne t'est guère possible car tu est maintenant pape religieux diable savant auteur et toute la clique, les trois patriarches Abraham Isaac et Jacob. plutôt un jacobin que Jacob.


Bon an, va-ten à Rouen. Ton intrépide ami jusqu'à la mort.


Réponse.



*



À ERNEST CHEVALIER.

Rouen, 3 avril 1832



Victoire Victoire Victoire tu viendras un de ces jours mon ami, le théâtre, les affiches tout est prêt. Quand tu viendras Amédée edmond, Mme chevalier, maman, 2 domestiques, et peut-être des élèves viendront nous voir joué. Nous donnerons 4 pièces que tu ne connais pas mais tu les auras bientôt apprises. Les billets de 1er 2me 3me sont fais, il y aura des fauteuils, il y a aussi des toits, des décorations.


La toile est arrangée, peut-être il y aura-t-il dix à douze personnes. Alors il faut du courage et ne pas avoir peur, il y aura un factionnaire à la porte qui sera le petit Lerond et sa sœur sera figurante. Je ne sais si tu as vu Poursognac, nous le donneront avec une pièce de Berquin, une de Scribe, et un proverbe dramatique de Carmontelle. Il est inutile que je te dise leurs titres, tu ne les connais je croit pas ; si tu savais quand on m'a appris que tu ne venais pas j'ai été d'une colère effroyable.


Si par hazar tu ne venais pas j'irais plutôt a patte comme les chiens du roi Louis Fils-Lippe (tiré de la Caricature journal) à Andelys te chercher, et je crois que tu en ferais autant. Car une amour pour ainsi dire fraternel nous unit. Oui moi qui a du sentiment oui je ferais mille lieues s'il il le fallait pour aller rejoindre le meilleur de mes amis, car rien est si doux que l'amitié oh douce amitié combien a-t-on vu de fait par ce sentiment, sans la liaison comment viverions-nous ? On voit ce sentiment jusque dans les animaux les plus petits sans l'amitié comment les faibles viveraient-ils ? Comment la femme et les enfants subsisteraient-ils ?


Permets, mon cher ami, ces douces réflexions. Mais je te jure qu'elle ne sont point apprêtés ni que j'aie essayé de faire de la rhétorique. Mais je te parle avec la vérité du vrai ami.


Le Choléra Morbus n'est presque pas à l'Hôtel-Dieu. Ton bon papa va de même. Vient à Rouen. Adieu.



*



À ERNEST CHEVALIER.

Rouen, mardi 26 août 1834



Reviens, reviens, vie de ma vie, âme de mon âme. Tu me la rendras, la vie, si tu viens me voir, car je voudrais encore composer avec l'ami Ernest. Je voudrais le voir à mes côtés, l'entendre, lui parler la vacance serait du double meilleure. Et ne crois pas que j'exagère, non du tout, je ne dis que la stricte vérité. Et je suis dégoûté de la vie si tu ne viens pas.


Maintenant te faut-il parler de mon voyage ? Eh bien j'ai vu en passant le célèbre château de Robert le Diable restant là sur le haut de la montagne, immobile, muet et détruit, semblant par lui-même présenter une énigme à tous ceux qui regardent son front ridé par les siècles (c'est vraiment bien digne d'être le sujet des méditations de Dubreuil).


Nous avons été à Trouville, j'y ai ramassé beaucoup de coquillages, j'en garde un bon nombre pour l'ami des amis. En les prenant sur la plage que venait à chaque instant mouiller chaque vague, je pensais à toi et me disais si Ernest était là comme il s'amuserait. Comme c'est beau, la mer, quand une belle tempête la fait mugir à mes oreilles ou bien quand des nuages brumeux englobent son horizon, quand elle vient se briser sur les rochers, ô ami, c'est un bien beau spectacle.


Nous avons pris quelques bains de mer pendant trois jours. Se baignait alors une dame, oh, une jolie dame, candide quoique mariée, pure quoique à vingt-deux ans. Oh, qu'elle était belle avec ses jolis yeux bleus ! La veille nous la voyons rire sur le rivage à la lecture que lui faisait son mari, et le lendemain comme nous étions tous revenus à Pont-l'Évêque, nous avons appris. Ô douleur! Ô malédiction. qu'elle était noyée, oui noyée, cher Ernest, en moins d'un quart d'heure, la vague l'avait emportée.


Ne sachant point nager elle disparut sous les eaux et son mari resté sur le rivage à la voit baigner la vit disparaître. C'était mourir. Ce qu'il y a de plus singulier c'est qu'elle se baignait avec deux autres jeunes gens qui revinrent à terre, mais, elle, y revint, mais avec un filet. elle était morte !


Juge du désespoir de son époux. Maintenant faites des projets de plaisir, qui en peut mesurer les conséquences ? témoin cette pauvre dame qui courait à la mer pour s'y amuser et y trouva la tombe. Si c'eût été une dame de notre société, qu'aurions-nous fait ?


Je te prie au nom de tout ce que tu as de plus sacré de venir me voit ou bien de m'écrire bien souvent et des lettres bien longues. Fais bien des compliments à toute ta bonne famille de la part de la mienne et de moi aussi. Adieu, cher ami, le tien jusqu'à la mort. De retour de mon voyage je vais me mettre à caleuser un peu moins. Je suis arrivé hier soir. Réponds-moi le plus tôt possible.



*



À ERNEST CHEVALIER.

Rouen, 29 août 1834



Cher ami,


A peine ai-je reçu ta lettre que je m'empresse d'y répondre avec grand plaisir. Quant à moi je travaille, cher Ernest, tous les jours. J'avance dans mon roman d'Isabeau de Bavière dont j'ai fait le double depuis que je suis revenu de mon voyage de Pont-l'Évêque.


Tu connaissais l'histoire de la religieuse qui s'était en allée de l'hôpital. Eh bien, l'Indiscret l'a mis dans son journal mais jamais article ne fut plus bête ni plus pitoyable. D'abord c'est fort mal écrit, sans verve ni esprit, puis les trois quarts ce n'est que mensonge.


"Car je n'ai vu qu'orgueil, que misère et que peine,

Sur ce miroir divin qu'on nomme face humaine."


C'est ainsi que parle notre ami Victor Hugo.


Tu crois que je m'ennuie de ton absence, oui tu ne te trompes point et si je n'avais dans la tête et au bout de ma plume une reine de France au quinzième siècle, je serais totalement dégoûté de la vie et il y aurait longtemps qu'une balle m'aurait délivré de cette plaisanterie bouffonne qu'on appelle la vie. Tu m'engages, toi le seul de mes amis, à venir te voir. S'il ne tenait qu'à moi !


Compliments à ta bonne famille, ton ami jusqu'à la mort.




* * *


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