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Anna de Noailles romancière : une analyse du Visage émerveillé (1904)

"Toucherai-je avec mes mains, avec mon cœur, les objets de la vie humble et quotidienne, — dirai-je, pour des choses ordinaires : "Ceci est agréable, ceci est bon", moi qui ai connu l'énergie indéfinie, et cet inimitable épuisement, où, quand l'âme semble déjà morte, l'amour lui verse encore des raisons de mourir..."

Anna de Noailles, Le Visage émerveillé (1904)


"La poésie n'est plus intercalée. Elle est perpétuelle, intégrante, comme une qualité merveilleuse de votre œil qui vous ferait tout voir en beauté, en vérité, en nouveauté, en génie. (...) C'est votre pensée qui est comme cela, c'est votre style qui est ainsi, il n'y a même pas une suite de choses merveilleuses, c'est une espèce de vision géniale qui crée d'une façon constante."

Marcel Proust, lettre à Anna de Noailles au sujet du Visage émerveillé, 11 juin 1904





Anna de Noailles commence à songer à la prose dès 1901. Elle consacrera quatre années, entre 1901 et 1905, à l'élaboration de ses trois romans, respectivement publiés en 1903 (La Nouvelle Espérance), 1904 (Le Visage émerveillé) et 1905 (La Domination). L'ébauche d'un quatrième roman, Octave, sera finalement abandonnée. Refroidie par les controverses et par le succès plus négatif de ces ouvrages, elle ne publiera ensuite plus que de la poésie, multipliant les recueils de vers, année après année. Elle retournera néanmoins plus tard à la « prose poétique », et publiera des essais : De la rive d'Europe à la rive d'Asie (1913), A Rudyard Kipling (1921) ou encore Les Innocentes ou La sagesse des femmes (1923) et Exactitudes (1930). On songe aussi à Passions et vanités (1926), petit volume qui reprend trois chroniques qu'elle avait écrites pour Vogue, ainsi que deux textes de souvenirs, plus personnels, écrits respectivement en 1912 et 1913.

La Comtesse de Noailles avait fait paraître deux ouvrages poétiques avant de voir son premier roman publié : Le Cœur innombrable, paru en 1901, suivi en 1902 par L'Ombre des jours. Leur succès fut immédiat. On ne tarissait pas d'éloges sur cette nouvelle femme-poète qui enflammait les salons parisiens, et on saluait unanimement celle qui réunissait foule d'artistes et d'intellectuels dans son propre salon avant même d'être l'écrivain célèbre que l'on allait plus tard connaître, organisant des « soirées éblouissantes » (le mot est de Fernand Gregh) de récitations de vers et d'échanges d'idées. On parlait volontiers de génie, de miracle... Si le succès de L'Ombre des jours se situa légèrement en-deçà du premier recueil, de nombreux écrivains célébrèrent cependant un talent poétique, chez Anna, de plus en plus affirmé : « Ce m'est une joie de constater ici la naissance et la formation d'un tempérament lyrique de premier ordre » écrivit par exemple Léon Daudet dans Le Gaulois du 2 juillet 1902. Une passion très légèrement refroidie lorsque la troisième publication d'Anna de Noailles, à savoir son premier roman, La Nouvelle Espérance, se révéla moins remarquée. Les critiques furent plus timorées que les deux années précédentes. Certes, l’ouvrage avait su séduire quelques esprits ouverts, mais Remy de Gourmont trouvait déjà le roman révélateur de la « psychologie féminine », Maurras parlait d'une « sensualité verbale exagérée », et Émile Faguet, comme bien d’autres, s'était volontiers moqué de l’extrême sentimentalité de l'héroïne. Si quelques recensions élogieuses vinrent sauver l'honneur de ce premier roman, le ton était déjà donné, et le lyrisme enflammé caractéristique d'Anna de Noailles était désormais promis à un long avenir de railleries. Le ton du Visage émerveillé et de La Domination, tout aussi empreints d'expressions exaltées et hyperboliques que La Nouvelle Espérance, devait confirmer, plus tard, les dires des mauvaises langues. Sœur Sophie du Visage émerveillé se révéla bien la digne sœur de Sabine de Rozée, héroïne de La Nouvelle Espérance.

Malgré une « apparente fragilité », il y avait cependant en Noailles une « force animale » (François Broche, Anna de Noailles, Un mystère en pleine lumière, 1989), qui la poussait à ne pas accorder de trop grande importance à ses détracteurs. C'est bien l'impression que donne, un an après Le Visage émerveillé, la publication du roman La Domination. Comme si, décidément, la poésie ne suffisait pas à la juste expression d’un malaise, peu défini, mais ressenti intimement. La naissance mouvementée de son fils en 1900, une vie de couple sereine mais terne avec le discret Mathieu de Noailles, une santé délicate et une sensibilité à vif, furent autant d'éléments de gêne, et certainement de souffrance, qui la poussèrent peut-être à créer des héros de romans à son image : inquiets, tourmentés, trop à l'étroit dans une vie trop convenue.

Le Visage émerveillé, — deuxième roman, donc —, parut en 1904. Malade, Anna de Noailles l'écrivit en l'espace de quelques jours, entre deux pics de fièvre, et alors que devait plutôt paraître La Domination. « Je me presse de recopier mon travail », se confie-t-elle dans une lettre à sa confidente Augustine Bulteau. Elle se tourmente ; le roman fut « écrit à tour de bras et pressé de rhume » : allait-il laisser une impression plus favorable que La Nouvelle Espérance ? Cette fois, et cela sera plus vrai encore pour La Domination, l'aspect immoral de l'œuvre choqua certains esprits. Georges Pelissier, dans Études de littérature et de morale contemporaine (1905), évoque par exemple un « émoustillant mélange d'érotisme et de dévotion ». Rachilde, qui n'est pas tendre non plus avec le roman, compare le style de l'ouvrage à celui de Francis Jammes, mais « avec un peu moins de couleur » (Mercure de France, août 1904). En revanche, les critiques s'accordèrent sur un point : l'originalité du livre, volontiers saluée. Le Visage émerveillé, qui ressemble à un long poème décliné dans la forme du journal intime, est un « songe raconté », selon Augustine Bulteau, et « une musique », pour Maurice Barrès. Si les trois romans multiplient les similarités, La Nouvelle Espérance, le premier, et La Domination, le troisième, se ressemblent jusque dans la forme : une longueur à peu près égale, et des sections plus ou moins distinctes définissant chaque étape du cheminement des personnages. Mais Le Visage émerveillé, lui, se distingue par sa singulière forme diaristique. Le lyrisme du moi prime donc plus encore que dans les deux autres romans. Eux aussi sont écrits à la première personne, — du point de vue d'une femme : Sabine de Rozée (La Nouvelle Espérance), et d'un homme, Antoine Arnault (La Domination) — mais la composition du Visage émerveillé favorise encore davantage la confession et l'écriture de l’intime. Elle permet aussi l’immédiateté, et simule le passage direct du ressenti à l’expression à cœur ouvert. Écrire la scène permet de la revivre, en allant à l’essentiel des actions et des sentiments. Tout cela n’étant évidemment qu’un procédé littéraire, puisqu’il s’agit d’un « faux » journal intime, et d’une vraie fiction.

Le roman est bien entendu écrit au présent, ce qui contribue également à cette impression de simplicité et d’absence d’« effet ». Les phrases sont d’ailleurs brèves, la notation des sensations devant aller à l’essentiel pour en fixer le souvenir. « Je tends les bras », « Le train passe », « J'aime le jardin et la maison », « Il faisait beau », « J'ai de l'orgueil »... La confession au journal autorise aussi la véritable sincérité, puisqu’il est en principe le confident et le seul témoin de ce que l’on n’avouerait à personne. D’où, également, la sensualité très appuyée de certains passages : la diariste confie ses impressions au papier, sans arrière-pensée de lecture par un tiers, et le lecteur se laisse prendre au piège de cette mise à nu, en réalité calculée. L’exaltation au souvenir de la volupté peut s’exprimer sans retenue, dans la mesure où personne n’est censé lire ces pages. Les exclamations, les phrases nominales (« Éveiller de la volupté »), les invocations (« Ô plaisir ! », « Ô beau pays nègre ! », « Ô douce indignité ! »), marquent l’état de sœur Sophie au moment où elle se souvient, et revit les scènes ; façon de nous donner à voir ce qu’aucun regard extérieur ou omniscient ne peut décrire.

Malgré la volonté de mimer la spontanéité d’une femme amoureuse couchant sur le papier le souvenir d’étreintes récentes et heureuses, on remarque, une fois de plus, la grande poésie du texte en prose, notamment dans le recours aux comparaisons. Celles-ci, fréquentes dans l'écriture noaillienne, sont toujours très recherchées, et évitent soigneusement les clichés : « Ma chambre rayonne comme une perle » ; « à la manière d’une fleur qui déverse un parfum » ; « être endormie et dorée comme une momie délicieuse », « poésie (…) affinée comme l’extrême parfum de la gomme d’Arabie », « le crépuscule, violet et doux, descend comme une pluie d’anémones renversées »)… L'habituel lyrisme d'Anna de Noailles transforme certaines pages particulièrement travaillées en véritables poèmes en prose, où l’on pourrait même parfois discerner quelques strophes. Cette recherche formelle marque aussi pourtant le renoncement à la spontanéité et à la simplicité de l’écriture du journal que nous avons précédemment observée. A côté de phrases réduites au minimum syntaxique, et rédigées au présent (« Je regarde ma colline », « Je veux du silence et rien », « Je n’ai plus de force »…), qui peuvent encore rappeler le contexte diaristique, l’utilisation du passé-simple (« Ô ciel qui fûtes »…), et de phrases plus denses et recherchées, signalent le passage à un autre registre, plus poétique et moins lapidairement diaristique.

Le couvent est le lieu central du récit. Rassurant, immuable, il symbolise la pureté recherchée, le point de départ d’une quête mystique. Il devient presque un personnage du roman tant il sert d'appui constant au récit. « Ô mon couvent ! » paraît désigner moins un bâtiment, même « enduit de chaux et de lumière », qu’un confident, un ami. L’invocation ne s’adresse pas ici à l’ensemble des religieuses, ni au bâtiment qui les abrite, mais à une sorte d’entité à la foi abstraite et anthropomorphique : « Je ne pourrais, mon couvent, vivre sans vous ». La transposition du sentiment amoureux change ici d’objet. C’est toute la force de ce passage que de modifier le destinataire de l’aveu sentimental. Non plus l’homme, Julien, qui paraît dérisoire et se voit attribuer une place bien réduite, mais ce lieu qui est éminemment paradoxal, au prix, sans doute, d’un blasphème : le lieu de solitude devient lieu de volupté, où les contraintes deviennent des caresses, tandis que l’« innocence » est « vénéneuse »…

Le journal s'ouvre sur cette première entrée, datée du 20 mai : « Ce qui plaît le plus au Seigneur, c'est la pureté. » Le Visage émerveillé est un roman sur le conflit intérieur, la tentation du péché et la recherche désespérée de la pureté si convoitée par l'héroïne, à laquelle elle finira d'ailleurs par se donner. La première page du roman introduit cet aspect, avec l'interrogation de Sophie sur le sens même du mot pureté, et sur sa juste expression. Elle interpelle Dieu en comparant sa propre disposition (« (...) je n'ai pas de bouche, pas de mains, pas de regard, pas de chaleur ; voyez, je suis devant vous comme une fumée légère qui monte, comme une flamme transparente et droite ») avec celle de la sœur Catherine, qui meurt, symboliquement, dans l'attente désespérée du Seigneur (« Mais ce n'est pas cela, la pureté, Seigneur ?... »). Inversement, plus tard dans le roman, elle se montrera au contraire critique de la mollesse de sœur Catherine, dont elle louait pourtant, quelques pages auparavant, la beauté et l’abnégation devant Dieu. Ce brusque volte-face s'explique par la prise de conscience du désir, jusqu'alors inconnu par l'héroïne. L’arrivée au couvent du jeune peintre Julien Viollette bouleverse un récit assez linéaire. Le sujet du Visage émerveillé serait assez banal si la fin du roman ne venait apporter de la nuance à cette sorte de récit d’initiation amoureuse, en apparence classique : non, Julien ne parviendra pas à ses fins, et Sophie ne quittera pas sa vie de recluse dans la pureté du couvent pour vivre sa passion au grand jour.

La Domination, publié en 1905, « roman de la démesure et des extrêmes » comme le souligne Marie-Lise Allard* (Anna de Noailles : entre prose et poésie, 2013), marque la fin du cycle romanesque d’Anna de Noailles. Il s’agit bien là d’une « trilogie sentimentale », qui se lit et se comprend presque mieux en la considérant comme un ensemble cohérent plutôt qu’en analysant les œuvres séparément. Anna de Noailles renia plus tard ses romans — La Domination, en particulier, largement considéré comme un échec, et qu'elle refusera de voir réimprimé. Mais elle avait malgré tout atteint l’expression ultime d’une peine, d’un ennui, d’une inquiétude, que la poésie seule n’avait pu contenir, et que la prose lui avait permis d’explorer autrement. Il lui avait fallu dire plus franchement ce que les vers n’avaient fait que suggérer, ou laisser en suspens. Certes, tous les éléments de la trilogie romanesque ne proviennent pas directement de sa propre vie ; on sent néanmoins si vivement l’âme du Cœur innombrable dans cette prose éclatante et démesurée que l’on ne peut s’empêcher d’établir des connexions. La Nouvelle Espérance fut en partie autobiographique, — Sabine ressemble à s'y méprendre à cette jeune Anna prématurément désillusionnée et insatisfaite, malheureuse en mariage, aspirant à connaître la violence de la passion. Le Visage émerveillé se construit sur fond de questionnement mystique, en tension constante avec la montée du désir, croissant puis refoulé — et l’on sait combien la Comtesse appréhendait avec une certaine difficulté une religion qui lui inspirait plus de trouble que de certitude. Enfin, l’écriture de La Domination fut, entre autres, nourrie par l’intense sentiment que lui inspirait son ami Maurice Barrès... Vie et création lui furent toujours intimement liés : « Son art était sa vie même » écrivait à juste titre Fernand Perdriel (« Anna de Noailles », La Revue du siècle, 1933).


* Nous renvoyons à la remarquable synthèse de l'oeuvre romanesque et poétique d'Anna de Noailles établie par Marie-Lise Allard, Anna de Noailles, Entre prose et poésie, publiée aux éditions L'Harmattan en 2013.



A retrouver aussi :



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Citations et passages choisis


"La nuit, avec ses étoiles qui sont au milieu de la chaleur comme de petits puits d'eau froide, scintille."


"Une rose dont chaque pétale est pénétré d'une douce confiture d'odeur, le silence d'une cellule blanche, et, dans le lointain, l'été lourd et gonflé qui respire comme une colombe, tout cela fait un infini qui alanguit, qui étourdit."


"Le matin, le soir, j'entends de ma chambre passer le train qui va de Laruns à Bayonne ; chaque fois que ce train siffle, mon âme s'élance. Ce bruit du train est beau comme un parfum traîné vite sur beaucoup d'espace, le parfum de la tubéreuse et de la jacinthe rouge."


"Quel parfum entre ici par ma fenêtre ouverte ? Ah ! c'est l'odeur du magnolia qui fleurit dans le jardin. Le crépuscule, violet et doux, descend comme une pluie d'anémones renversées. Il est six heures et demie, il y a dans l'air quelque chose d'immobile ; il semble que ce soit une heure qui s'arrête de marcher."


"Être heureuse, c'est avoir le coeur, l'esprit, les mains vides."


"J'imaginais un espace d'azur, un amollissement, une longue enfance, une eau calme et glissante, enfin tout un pays qui est comme un oreiller du soir où l'on pleure, où l'on chuchote mystérieusement."


"Quelquefois la douce odeur de l'été matinal et du jardin me rend triste, parce qu'elle m'enchante, et qu'elle est partout flottante et que je ne peux pas la respirer jusqu'au fond de ma vie."


"Ah ! comme je serais inquiète et troublée si j'avais, pour réfléchir, les longues soirées de l'hiver ! Mais l'été est une route d'or qui marche et nous entraîne ; c'est une voix hors d'elle qui crie : "Venez ! venez !..." Voici le soleil sur mes mains. Ô soleil ! qui entrez dans les yeux des oiseaux, dans le coeur confit de la pervenche, dans les mille petites fenêtres du bonheur..."


"La conscience, c'est une tristesse qu'on éprouve après un acte qu'on vient de faire, et qu'on referait encore..."


"Ricordo del lago di Como ! Ces mots ont empli de surprise mes oreilles. J'imaginais un espace d'azur, un amollissement, une longue enfance, une eau calme et glissante, enfin tout un pays qui est comme un oreiller du soir où l'on pleure, où l'on chuchote mystérieusement."


"Comme la beauté de l'air m'environne et m'accable ! Je ne puis rien saisir.

N'y a-t-il pas quelque part, dans l'univers, une petite géante pour qui toutes ces choses sont faites, pour qui le soleil est une boule légère en or ; — qui, en respirant, met dans ses poumons tout l'azur, et en été, quand il fait chaud, appuie ses mains contre les beaux nuages pleins de pluie..."


"L'amour, c'est un doux, involontaire mécanisme du coeur, comme la foi la plus vive, comme l'extase où les saintes nous souhaitent."


"Le jardin, quand j'y suis descendue avant l'aurore, car je ne peux plus dormir, était une âme en petits cailloux, en buis vert, en pétales, qui cause avec soi-même."


"J'ouvre ma fenêtre pour rêver. Nuit d'automne si aérée ! Mille petites sources d'air bondissent dans l'ombre agitée, mille vents légers soufflent, toutes les feuilles remuent. On respire bien cet air romanesque, noir et limpide.

Je pense. Pourquoi Julien m'aime-t-il ? Parce que mon âme a plus de manières et de mouvements qu'un lis du matin sous le vent bleu, parce que je suis forte et faible et toute mêlée ; parce que, quand Julien dit : "Je sais à quoi vous pensez", je réponds : "Oh ! non, ce n'est plus cela, c'est déjà autre chose", et parce que ma voix (...) est mystérieuse comme les étoiles de la nuit..."


"Mes soeurs, vous ne savez pas ce que vous faites ; quoi que vous fassiez, vous ne faites rien du matin au soir.

Boire, manger, être paisible, respirer l'air, prier, étendre des feuilles de verveine entre les nappes de l'autel, se troubler un peu aux souffles du soir et glisser par mélancolie ses mains sur son front penché, ce n'est pas vivre.

(...) il faut que vous connaissiez cette tendre tempête, je vous en supplie."


"Rien ne fait peur, ni l'idée du châtiment, ni l'idée de la mort et de la mort éternelle.

La volupté, c'est un moment silencieux et haut comme une voûte infinie. C'est un moment où, alangui, l'être est une volonté pareille à la guerre, pareille au coureur de Lacédémone qui ne s'arrêta qu'en mourant.

Toute l'âme se porte d'un côté et de l'autre côté du plaisir comme un vent soyeux qui se balance entre deux rangées d'oeillets.

Ô douce indignité !

Quelle paix ! On ne craint plus la mort, et si le couvent, le monde entier, tout le plafond de la chambre s'effondraient, on penserait : Qu'importe ! comment le saurais-je, mon âme ne peut rien percevoir que ce qui lui vient de soi-même..."


"Une âme malheureuse est toute prête pour la mort et pour la volupté."


"La vraie vie est trop large, elle a trop de degrés. Ce petit rêve, c'était l'essentiel."


"C'est étrange, pour la colère, pour l'honneur, la surprise, le dégoût, nous avons une âme qui s'irrite ou s'élance, — mais dans la volupté, combien d'âmes avons-nous qui meurent en nous...?"


"Il y a des moments où on veut être seule, où on a un dégoût qui est au-dessous de la mort."


"Je ne veux rien. Je veux du silence et rien. J'aurais envie de dire au bonheur comme au malheur : "Laissez-moi, attendez, ne venez pas encore..."


"J'aimais le silence. Je connais bien le bruit du silence, un bruit fin qui semble se dérouler à l'envers. J'aimais la chapelle, son odeur de plâtre et de bénitier, sa blancheur et sa paix qui la rendent pareille à un verger de lis."


"Âme, place de l'être où afflue le sang le plus sensible, c'est vous que l'Amour baise et déchire, fleur mystérieuse à qui la blessure et la douceur sont également plaisantes, — car ce qui vous déplaît est encore votre plaisir."


"Toucherai-je avec mes mains, avec mon coeur, les objets de la vie humble et quotidienne, — dirai-je, pour des choses ordinaires : "Ceci est agréable, ceci est bon", moi qui ai connu l'énergie indéfinie, et cet inimitable épuisement, où, quand l'âme semble déjà morte, l'amour lui verse encore des raisons de mourir..."


"Tout ce qu’on peut souffrir, je l’ai souffert : j’ai pensé m’éteindre de violence et de colère, et maintenant je souffre d’une douce et terrible sentimentalité ; ce sentiment fait plus mal que les autres ; je pense à vous avec une tendresse qui me tue."


"La passion qu'on nous donne et celle que nous rendons, nous l'acceptons comme une grande fatalité où tout est mystérieux et nécessaire."


"Nous ne pourrions reprocher à l'amour ni ses injustices, ni ses violences, mais seulement ce qui serait moins d'amour."

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